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samedi 7 mars 2015

MESSAGE DE MGR THEOPHILE KABOY SUITE A LA MORT TRAGIQUE DE L'ABBE JEAN PAUL KAKULE




A DIEU… Jean Paul KAKULE, prêtre du Seigneur,

« …Caïn, qu’as-tu fais de ton frère ? » (Gn 4, 9-10).

1.       Le crime fut une signature ignominieuse apposée par l’homme à l’œuvre merveilleuse accomplie par le Créateur.
« …Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ? » est la terrible question adressée au meurtrier d’Abel et que le même Créateur pose à toutes ces personnes qui encore aujourd’hui se plaisent à ôter la vie à leurs frères particulièrement dans cette province du Nord-Kivu.

L’assassinat du prêtre Jean-Paul KAKULE nous a tous plongés dans une souffrance atroce. Nous nous trouvons encore sous le choc de l’événement. Pourquoi ainsi ? Pourquoi un acte si cruel ? Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? Quel sens donner à cela ? Peut-on trouver des réponses satisfaisantes à ces interrogations ? Peut-on empêcher notre esprit de se tourmenter ?

Toi, l’assassin de Jean-Paul qu’as-tu fait de ton frère ? Quel mal t’avait-il causé ? Sens-tu du remord ou bien  à l’exemple de Caïn tu préfères te réfugier dans la réponse nerveuse du « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9).

Puisse le remord de ce crime circuler dans les méandres de ta conscience pour un repentir sincère.

Chers frères et sœurs dans le Christ,

2.      Après un temps assez long d’accalmie relative, nous avons tous été surpris et secoués par la mort tragique de notre enfant et confrère Abbé Jean Paul KAKULE KYALEMBERA. Nous condamnons haut et fort cet acte lâche et d’ignominie qui a encore une fois éclaboussé non seulement notre diocèse mais aussi toute la Province du Nord-Kivu.
Nous rappelons notre message d’Août 2013 aux malfaiteurs et à tous ceux qui encore aujourd’hui sont occupés à mijoter et à préparer des projets de mort sur d’autres fils de Dieu en les exhortant : « Au nom de Dieu, vivez, et laissez-nous vivre ».


3.      Les circonstances de la mort de Jean Paul KAKULE sont connues.

En résumé, c’était le mercredi 25 février 2015 à 21 heures. L’Abbé surveillait la fermeture des portes de l’Eglise et des bureaux. C’est alors que le malfaiteur a surgi et l’a criblé d’une rafale nourrie de plusieurs balles qui l’ont abattu. Le bandit a disparu, et nous avons aussitôt  saisi l’autorité pour qu’il procède à une enquête.

Le jour suivant, le jeudi 26 février, la dépouille a été acheminée à la morgue de l’Hôpital Général à Goma. Vendredi 27 février 2015 ce fut la veillée mortuaire dans l’Eglise Cathédrale, et samedi 28 février 2015, messe de funérailles à 10 heures, suivie de l’inhumation au cimetière ecclésiastique de Buhimba.

4.      Seigneur, fais briller sur ton Serviteur Abbé Jean Paul KAKULE, ta lumière éternelle; qu’il entre dans ta joie en compagnie des saints, car tu es bon. (Esd. 2, 35.34)… ‘’Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est transformée; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éternelle dans les cieux…’’ 
                                                                                                            (Préface des défunts n°1).

5.      Quant aux vrais mobiles de cet assassinat, ils restent encore flous, néanmoins la présence des ecclésiastiques dans la contrée de Mweso constitue assurément une gêne sérieuse à l’action des malfaiteurs qui y sèment la terreur.

Par ailleurs, à Mweso et comme dans les environs, la circulation incontrôlée des armes à feu est source de grande insécurité.

A cela, il faut noter l’absence quasi-totale de l’autorité de l’Etat qui donne libre cours à la délinquance et au banditisme.
Les services de sécurité sont actuellement engagés à mener une enquête qui, espérons-le, élucidera la situation pour aboutir à une action judiciaire efficace.

Une fois de plus l’assassinat de l’Abbé Jean Paul KAKULE est un acte sauvage, diabolique et ignoble que nous condamnons énergiquement.

Chers frères et sœurs,

6.      J’ai reçu plusieurs marques de sympathie à l’occasion de ce décès.

Du Saint Siège la Nonciature Apostolique de Kinshasa nous a fait parvenir le message de Son Eminence le Cardinal Fernando FILONI, Préfet de Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples par lequel il exprime sa sympathie et l’assurance de sa prière pour tout le diocèse de Goma.

Je suis de cœur avec vous tous, chrétiens du Diocèse de Goma, particulièrement les fidèles de la paroisse Saint Mathias Mulumba à Mweso.
J’ai une pensée particulière à sa famille biologique, aux fidèles de Vitchumbi, et à tous les proches.

Je remercie les membres du clergé diocésain de même que toutes les familles religieuses œuvrant dans le diocèse de Goma, profondément affligés par cet incident.

Une mention toute particulière aux Pères Jésuites de JRS qui sont à pied d’œuvre dans la paroisse de Mweso en assistant les déplacés de guerre. Ils ont été de près touchés par ce triste événement et se sont fort impliqués dans la participation au deuil. Ils ont manifesté leur détermination à poursuivre leur œuvre dans la mesure du possible à Mweso.
Que soient remerciés, tous ceux qui, de loin ou de près nous ont adressé des messages de condoléances avec la promesse de prier avec et pour nous.

7.      Pour rappel, la mort de l’Abbé Jean Paul KAKULE porte à dix le nombre de  prêtres assassinés depuis 1992.

Il s’agit des Abbés Conrad NDYANABO (Paroisse de Mutongo, le 12  décembre 1994), André MUNYANKUYO et Constantin GATUKU (Grand Séminaire Mgr Joseph BUSIMBA à Buhimba, le 06 novembre 1996), Benoit NIRERE (Paroisse de Jomba, le 15 novembre 1996), Emmanuel NSENGIYUMVA (Paroisse de Nyakariba, le 24 décembre 1996), Paul JUAKALI (Paroisse de Mweso, le 06 avril 1999), Isidore MUNYANSHONGORE (Grand Séminaire Mgr Joseph BUSIMBA à Buhimba, le 09 janvier 2000), Richard BEMERIKI (Paroisse de Jomba, 2007) et Diacre Charles KANYAMANZA (Paroisse de Nyakariba, le 24 décembre 1996).

A cette liste déjà très lourde, il y a lieu d’ajouter cinq religieuses de la Congrégation de Saint Vincent de Paul de Rosalare disparues à Jomba le 15 novembre 1996. Il s’agit de Sr Colette VUNABANDI, Sr Joséphine GAKONDO, Sr Marie-Anastasie SEMITWE, Sr Judith KATUNGU et la Sr  Laurentie SEBARIJA abattue au Grand Séminaire Mgr Joseph BUSIMBA à Buhimba, le 06 novembre 1996.

8.     A la question de savoir si le personnel ecclésiastique regagnera Mweso et toute la contrée, je réponds que la peur est malsaine car elle paralyse et peut donner libre cours à l’action des malfaiteurs.

La grandeur de l’homme c’est d’être capable de « risquer sa vie » après avoir réfléchi bien entendu. Mais sans attendre des « assurances tous risques », impossibles à obtenir. Si risquer est dangereux, s’engager consciemment et loyalement avec Jésus-Christ n’enlève pas l’effort mais garantit la paix. S’appuyer sur le Maître de la vie ne peut que nous aider à obtenir le bonheur quelques soient les difficultés de la route.

9.      J’en appelle une fois de plus aux autorités tant nationales qu’internationales pour que justice soit faite. Tout en ayant connu des avancées notoires, pour la pacification du Nord-Kivu, je constate un climat généralisé d’inquiétudes face aux assassinats successifs et aux enlèvements exigeant de rançons… tous ces actes créent de nouveau un malaise qui ternit une fois de plus l’image de notre Sous-région.

10.  Même si le sentiment de fraternité renforcé par le décès de Jean-Paul n’enlève pas encore les frontières de toutes sortes qui peuvent nous éloigner les unes des autres et créer les inimitiés rebelles, poursuivons les efforts de renforcer l’enseignement de Celui qui nous a dit « …car vous êtes tous des frères » (Mt 23,8).



Prions :

Seigneur, nous pleurons Jean-Paul KAKULE ton prêtre, et la brutalité de sa mort ajoute encore à notre peine ; tu nous voies déchirés, abattus et nous ne comprenons plus… Sa mort peut apparaître comme une injustice mais nous nous tournons vers toi. Tu as connu toi-même le scandale de la mort sur la croix.
Que ton amour nous donne à croire ce que nos cœurs n’arrivent pas à comprendre : Tu l’appelles à vivre auprès de toi pour les siècles des siècles.


                                                                       Fait à Goma, le 5 mars 2015.

+ Mgr Théophile KABOY
Evêque du Diocèse de Goma

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