A DIEU… Jean Paul
KAKULE, prêtre du Seigneur,
« …Caïn,
qu’as-tu fais de ton frère ? » (Gn 4, 9-10).
1.
Le crime fut une signature ignominieuse apposée par l’homme à
l’œuvre merveilleuse accomplie par le Créateur.
« …Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ? » est la terrible
question adressée au meurtrier d’Abel et que le même Créateur pose à toutes ces
personnes qui encore aujourd’hui se plaisent à ôter la vie à leurs frères
particulièrement dans cette province du Nord-Kivu.
L’assassinat du prêtre Jean-Paul KAKULE nous a tous plongés dans
une souffrance atroce. Nous nous trouvons encore sous le choc de l’événement.
Pourquoi ainsi ? Pourquoi un acte si cruel ? Pourquoi Dieu a-t-il
permis cela ? Quel sens donner à cela ? Peut-on trouver des réponses
satisfaisantes à ces interrogations ? Peut-on empêcher notre esprit de se
tourmenter ?
Toi, l’assassin de Jean-Paul qu’as-tu fait de ton frère ? Quel mal t’avait-il causé ? Sens-tu du remord ou bien à l’exemple de Caïn tu préfères te réfugier
dans la réponse nerveuse du « Suis-je
le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9).
Puisse le remord
de ce crime circuler dans les méandres de ta conscience pour un repentir
sincère.
Chers frères et
sœurs dans le Christ,
2.
Après un temps assez long d’accalmie relative, nous avons tous été
surpris et secoués par la mort tragique de notre enfant et confrère Abbé Jean
Paul KAKULE KYALEMBERA. Nous condamnons
haut et fort cet acte lâche et d’ignominie qui a encore une fois éclaboussé
non seulement notre diocèse mais aussi toute la Province du Nord-Kivu.
Nous rappelons notre message d’Août 2013 aux malfaiteurs et à tous
ceux qui encore aujourd’hui sont occupés à mijoter et à préparer des projets de
mort sur d’autres fils de Dieu en les exhortant : « Au nom de Dieu, vivez, et laissez-nous vivre ».
3.
Les circonstances de la mort de Jean Paul KAKULE sont connues.
En résumé, c’était le mercredi 25 février 2015 à 21 heures. L’Abbé
surveillait la fermeture des portes de l’Eglise et des bureaux. C’est alors que
le malfaiteur a surgi et l’a criblé d’une rafale nourrie de plusieurs balles
qui l’ont abattu. Le bandit a disparu, et nous avons aussitôt saisi l’autorité pour qu’il procède à une enquête.
Le jour suivant, le jeudi 26 février, la dépouille a été acheminée
à la morgue de l’Hôpital Général à Goma. Vendredi 27 février 2015 ce fut la
veillée mortuaire dans l’Eglise Cathédrale, et samedi 28 février 2015, messe de
funérailles à 10 heures, suivie de l’inhumation au cimetière ecclésiastique de
Buhimba.
4.
Seigneur, fais
briller sur ton Serviteur Abbé Jean Paul KAKULE, ta lumière éternelle; qu’il
entre dans ta joie en compagnie des saints, car tu es bon. (Esd. 2, 35.34)…
‘’Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle
est transformée; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà
une demeure éternelle dans les cieux…’’
(Préface des défunts n°1).
5.
Quant aux vrais
mobiles
de cet assassinat, ils restent encore flous, néanmoins la présence des
ecclésiastiques dans la contrée de Mweso constitue assurément une gêne sérieuse
à l’action des malfaiteurs qui y sèment la terreur.
Par ailleurs, à Mweso et comme dans les environs, la circulation
incontrôlée des armes à feu est source de grande insécurité.
A cela, il faut noter l’absence quasi-totale de l’autorité de l’Etat
qui donne libre cours à la délinquance et au banditisme.
Les services de sécurité sont actuellement engagés à mener une
enquête qui, espérons-le, élucidera la situation pour aboutir à une action
judiciaire efficace.
Une fois de plus
l’assassinat de l’Abbé Jean Paul KAKULE est un acte sauvage, diabolique et
ignoble que nous condamnons énergiquement.
Chers frères et
sœurs,
6.
J’ai reçu plusieurs marques de sympathie à l’occasion de ce décès.
Du Saint Siège la
Nonciature Apostolique de Kinshasa nous a fait parvenir le message de Son
Eminence le Cardinal Fernando FILONI, Préfet de Congrégation pour
l’Evangélisation des Peuples par lequel il exprime sa sympathie et l’assurance
de sa prière pour tout le diocèse de Goma.
Je suis de cœur
avec vous tous, chrétiens du Diocèse de Goma, particulièrement les fidèles de
la paroisse Saint Mathias Mulumba à Mweso.
J’ai une pensée
particulière à sa famille biologique, aux fidèles de Vitchumbi, et à tous les
proches.
Je remercie les membres du clergé diocésain de même que toutes les
familles religieuses œuvrant dans le diocèse de Goma, profondément affligés par
cet incident.
Une mention toute particulière aux Pères Jésuites de JRS qui sont
à pied d’œuvre dans la paroisse de Mweso en assistant les déplacés de guerre.
Ils ont été de près touchés par ce triste événement et se sont fort impliqués
dans la participation au deuil. Ils ont manifesté leur détermination à
poursuivre leur œuvre dans la mesure du possible à Mweso.
Que soient remerciés, tous ceux qui, de loin ou de près nous ont
adressé des messages de condoléances avec la promesse de prier avec et pour
nous.
7.
Pour rappel, la mort de
l’Abbé Jean Paul KAKULE porte à dix le nombre de prêtres assassinés depuis 1992.
Il s’agit des Abbés Conrad NDYANABO (Paroisse de Mutongo, le
12 décembre 1994), André MUNYANKUYO et
Constantin GATUKU (Grand Séminaire Mgr Joseph BUSIMBA à Buhimba, le 06 novembre
1996), Benoit NIRERE (Paroisse de Jomba, le 15 novembre 1996), Emmanuel
NSENGIYUMVA (Paroisse de Nyakariba, le 24 décembre 1996), Paul JUAKALI
(Paroisse de Mweso, le 06 avril 1999), Isidore MUNYANSHONGORE (Grand Séminaire
Mgr Joseph BUSIMBA à Buhimba, le 09 janvier 2000), Richard BEMERIKI (Paroisse
de Jomba, 2007) et Diacre Charles KANYAMANZA (Paroisse de Nyakariba, le 24
décembre 1996).
A cette liste déjà très lourde, il y a lieu d’ajouter cinq
religieuses de la Congrégation de Saint Vincent de Paul de Rosalare disparues à
Jomba le 15 novembre 1996. Il s’agit de Sr Colette VUNABANDI, Sr Joséphine GAKONDO,
Sr Marie-Anastasie SEMITWE, Sr Judith KATUNGU et la Sr Laurentie SEBARIJA abattue au Grand Séminaire
Mgr Joseph BUSIMBA à Buhimba, le 06 novembre 1996.
8.
A la question de
savoir si le personnel ecclésiastique regagnera Mweso et toute la contrée, je
réponds que la peur est malsaine car elle paralyse et peut donner libre cours à
l’action des malfaiteurs.
La grandeur de
l’homme c’est d’être capable de « risquer sa vie » après avoir
réfléchi bien entendu. Mais sans attendre des « assurances tous
risques », impossibles à obtenir. Si risquer est dangereux, s’engager
consciemment et loyalement avec Jésus-Christ n’enlève pas l’effort mais garantit
la paix. S’appuyer sur le Maître de la vie ne peut que nous aider à obtenir le
bonheur quelques soient les difficultés de la route.
9.
J’en appelle une
fois de plus aux autorités tant nationales qu’internationales pour que justice
soit faite. Tout en ayant connu des avancées notoires, pour la pacification du
Nord-Kivu, je constate un climat généralisé d’inquiétudes face aux assassinats successifs
et aux enlèvements exigeant de rançons… tous ces actes créent de nouveau un
malaise qui ternit une fois de plus l’image de notre Sous-région.
10. Même si le
sentiment de fraternité renforcé par le décès de Jean-Paul n’enlève pas encore
les frontières de toutes sortes qui peuvent nous éloigner les unes des autres
et créer les inimitiés rebelles, poursuivons les efforts de renforcer
l’enseignement de Celui qui nous a dit « …car vous êtes tous des frères » (Mt 23,8).
Prions :
Seigneur, nous
pleurons Jean-Paul KAKULE ton prêtre, et la brutalité de sa mort ajoute encore
à notre peine ; tu nous voies déchirés, abattus et nous ne comprenons
plus… Sa mort peut apparaître comme une injustice mais nous nous tournons vers
toi. Tu as connu toi-même le scandale de la mort sur la croix.
Que ton amour
nous donne à croire ce que nos cœurs n’arrivent pas à comprendre : Tu
l’appelles à vivre auprès de toi pour les siècles des siècles.
Fait
à Goma, le 5 mars 2015.
+ Mgr Théophile KABOY
Evêque du Diocèse de Goma
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire