Qui peut me dire l’endroit où le Christ
est né ?
![]() |
Soeur Delphine, cmt/Goma |
Où
va-t-on passer la fête de Noël ? Où va-t-on passer le réveillon de la
nouvelle année ? Ce sont là les deux questions que se sont posées nombre
d’habitants de la Planète Terre, à l’approche des fêtes de Noël et de fin
d’année. Ces deux fêtes passées, mais pas les inquiétudes. La sœur Delphine
jette un regard en arrière. Elle se questionne et nous fait par de ce qu’elle a
vécu quelque part … dans le camp des déplacés à Goma.
0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0=0
La Noël est passée … la fête de la
Saint Sylvestre aussi. Comment a t- on passé ces deux fêtes ? Les uns ont passé ces réveillons à l’église, en
veillant et en priant pour rendre grâce à Dieu pour ses bienfaits. Les autres les
ont passées en s’ennuyant à la maison, dans la « méditation », car
ils sont frappés par la fameuse « crise financière ». La plainte est
connue : On ne vend pas parce que l’on n’achète pas. On achète pas parce
qu’on n’a pas d’argent. La boucle est bouclée. D’autres enfin, ont choisi de passer
ces fêtes de Noël et de fin d’année dans des boites de nuit, mangeant, buvant,
dansant, bref s’amusant pour oublier
pour un temps tous les soucis de la vie. Je ne porte pas de jugement sur les
choix des uns et des autres mais je me questionne.
« Plus de 800.000
déplacés…
entre
l’espoir et l’incertitude »
Mais combien parmi nos
compatriotes congolais ont pensé, un seul instant, que plus de 800.000 âmes à l’Est de la RDC ont passé les fêtes de Noël et de fin d’année
2012 dans les camps des déplacés ? Quand j’ai réfléchi à cette question,
ma salive est devenue amère dans ma bouche. Je n’avais pas le temps d’aller
voir comment on a embellit la Ville de Goma avec les guirlandes et autres
arbres de sapins pour cacher les stigmates de la récente guerre. Les feux
d’artifices et jeux de lumière ne m’intéressaient guère. J’ai voulu voir la
situation de mes frères et sœurs les déplacés de la énième guerre de Goma en
face, sans fausse honte et sans détours. C’est là que j’ai découvert le visage
misérabiliste qu’engendrent les conflits armés.
Nos frères et sœurs vivent dans la situation de « NI PAIX, NI GUERRE » : la pire de situation qui puisse exister pour une personne humaine. Ici, on ne sait pas sur quel pied danser. Ici, on vit entre L’ESPOIR et L’INCERTITUDE. On vit sans aucune assistance. On vivote : On construit soi-même son abri avec les matériaux de fortune qu’on a sous la main. On fait ce qu’on peut et comme on peut. Le confort est loin d’être un objectif du constructeur. Trouver un endroit pour s’abriter contre les intempéries, c’est le seul souci. Je vous épargne de leur souci d’eau et de la nourriture. Un abri provisoire en attendant la prochaine fuite.
Fuite-arrêt-fuite. C’est le cycle des déplacés. Ici, on vit dans le qui-vive. Ici, on est « simple comme la colombe et prudent comme un serpent ». Comment dans cette perspective entendre le cri de Noël du prophète Isaïe : « Un enfant nous est né, un fils nous est donné, l’insigne du pouvoir est sur son épaule. On proclame son nom : ‘Merveilleux-Conseiller ; Dieu-Fort ; Père-à-jamais ; Prince de la PAIX’ ».
J’ai vu la misère des enfants dans les camps de déplacés : marasme et kwashiorkor battent leur plein. Un Enfant nous est né. Quel enfant ? Enfant déshydraté, diarrhéique, affamé, fatigué et sans force pour chasser même une seule mouche qui suce sa plaie en la rendant plus profonde encore. Ces enfants-là, je les ai vus. Dans mon impuissance, j’ai tenté de leur redonner un sourire de Noël. Je leur ai donné une paix sans pain … Est-ce là l’image de l’Enfant qui nous est né, de ce Fils qui nous est donné ?
C’est le Prince de la PAIX ...
Quelle Paix ? Cela fait une
quinzaine d’années que l’on recherche cette paix sans jamais la trouver. Chaque
trois ans, on doit courir : 2003, 2006, 2009, 2012 … la population ne fait
que courir dans tous les sens. A quand la fin de ce marathon sans fin? Les rebelles
prennent les armes, les civils sont obligés de courir, même s’ils ne savent pas vraiment pour quoi
ils doivent courir. Au bout du compte, on donne à ceux qui ont pris des armes
des cadeaux, des ministères dans le gouvernement et des grades. Et par-dessus
tout : oubli leurs crimes contre l’humanité… tout cela, au nom de la Paix.
Mais quelle Paix ? On avait la
ferme espérance que ceux qui étaient partis en pourparlers à Kampala, allaient
s’enfermer là-bas, travailler sérieusement, discuter, dialoguer, éviter tout
sommeil à leurs yeux et tout répit à leurs paupières avant d’avoir trouver la
solution au problème des accords entre la rébellion et le gouvernement, voilà
qu’ils ont rouvert la porte et chacun est rentré chez lui pour « fêter »
d’abord et ensuite seulement, ils reprendront avec les discussions après avoir bien mangé,
dansé et bu. Quelle paix attendre de toutes ces rencontres ? Mon
scepticisme augmente au jour le jour.
Limites et faiblesses du mandat des forces des Nations Unies en RD
Congo
Les forces des Nations Unies sensées
maintenir la PAIX à Goma, ont montré leurs limites et leurs faiblesses avec
leur mandat qui ne leur permettent pas d’intervenir pour imposer la PAIX. Elles
sont réduites à une force d’observation SEULEMENT. On observe, on compte le
nombre des morts, des blessés et des violés. On établit une très longue liste
macabre et on fait le rapport à qui de droit. Ce que ces forces trouvent mieux
à faire, c’est de prendre les jumelles et de regarder de loin la misère qui se
passe dans les camps de déplacés sans intervenir. Ainsi s’accompli le proverbe
africain qui dit : « La souffrance de l’autre se trouve au-delà de la
rivière »
Pour me défouler, je finis cette
réflexion par un chant de Noël composé
par Berthet N. Ce chant m’interpelle car
il contient des questionnements mais aussi des réponses qui nous invitent à exorciser l’indifférence
face à la misère de l’autre. En fait, dans son hymne, l’auteur compositeur
brûle d’envie de savoir l’endroit, le jour et pourquoi le Christ est né ? Ma
réponse, je l’ai trouvée dans les camps des déplacés où la population attend
que nous ouvrions nos cœurs et nos mains pour leur venir en aide !
Qui
peut me dire l’endroit où le Christ est né ?
Vois, Jésus prend naissance où l’homme commence d’ouvrir son cœur et
ses mains
pour changer la vie de ses frères, oui, là, Jésus prends naissance.
Qui
peut me dire le jour où Jésus le Christ
est né ?
Vois, Jésus prend naissance quand l’homme commence d’ouvrir son
cœur et ses mains
pour changer la vie de ses frères ; alors, Jésus prend naissance.
Qui
peut me dire pourquoi Jésus le Seigneur est né ?
Vois, Jésus prend naissance pour toi qui commences d’ouvrir ton cœur et
tes mains
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire